Les écoliers trinquent : comment les lobbies se sont infiltrés dans les voyages scolaires
Communiqué de presse
Association Addictions France saisit la justice afin de faire sanctionner l’entreprise EVA’TOURS – Vefe Voyages Educatifs, pour propagande et publicité illicites pour des boissons alcooliques ainsi qu’offre de boissons alcooliques à titre gratuit à des mineurs, en leur proposant des visites de producteurs d’alcool avec dégustation lors de voyages scolaires. Ce spécialiste des voyages organisés à destination des écoles notamment, propose en effet une myriade d’offres de séjours en partenariat avec des alcooliers, allant de la visite d’une distillerie de whisky, de gentiane, à la brasserie, en passant par la cave à vin ou encore de cidre. Addictions France, alertée récemment par le père d’une lycéenne sur un voyage de 5 jours en Alsace comprenant “la visite d’une brasserie et dégustation”, a également interpellé solennellement M. le Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pap Ndiaye, M. le Ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun, et la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives).
Vefe, le tour opérateur scolaire qui sponsorise l’alcool
Pour donner suite à l’alerte de ce père de famille, l’association a analysé plus en détail le site du tour opérateur Vefe et son fonctionnement pour finalement y découvrir un réel problème de fond. Au-delà du séjour en Alsace cité précédemment, le site internet de l’entreprise est explicite en ce qui concerne le sponsoring de l’alcool. L’opérateur propose en effet dans son offre destinée aux établissements scolaires de multiples séjours de cette nature avec différents producteurs d’alcool (vin, cidre, whisky, etc.). La visite des brasseries du géant industriel Carlsberg figure notamment dans l’un de ses programmes. Pourtant, on lit ailleurs sur leur site que les voyages sont strictement destinés à “(…) des élèves de moins de 18 ans”. Une violation évidente du Code de la santé publique, qui interdit formellement l’offre de boissons alcooliques à titre gratuit à des mineurs dans le chapitre dédié à leur protection.
« Les faits reprochés ici à Vefe sont d’autant plus choquants qu’ils ont été prévus, permis et encadrés par des adultes représentant l’autorité, celle de l’institution qui prend en charge l’éducation des jeunes »,
dénonce Bernard Basset, président d’Addictions France. Les responsables des établissements sont tout aussi concernés puisqu’ils ont autorisé ces séjours en connaissance de cause. La visée prétendument pédagogique et éducative de ces visites et de ces dégustations à la découverte du patrimoine, ne dédouanent en rien les organisateurs de leur responsabilité s’agissant des règles de santé publique. Pire, leurs élèves sont de fait autorisés, voire incités, à consommer des produits nocifs (et interdits pour leur âge) par des figures d’autorité qu’ils considèrent comme légitimes et responsables – leurs professeurs.
Pour Addictions France, c’est une problématique récurrente. Déjà en 2013, elle avait reçu des plaintes similaires de parents à propos d’un voyage organisé par un lycée professionnel via une autre entreprise. Cette fois-ci, les élèves étaient invités à déguster des vins lors de leur séjour – le cas de Vefe est donc loin d’être isolé. À l’époque, la lettre écrite au directeur de l’établissement était restée sans réponse…
Une banalisation de l’alcool chez les mineurs
Si l’association interpelle donc aujourd’hui le Tribunal Judiciaire de Paris et le Gouvernement sur cette problématique, c’est bien parce qu’elle s’inquiète de la banalisation grandissante des boissons alcoolisées auprès des jeunes. Il est important en effet de protéger les mineurs du marketing alcoolier alors que la consommation d’alcool reste importante chez les ados et pré-ados en France. Rappelons qu’en 2018 selon l’OFDT, presque 1 lycéen sur 2 (41,5%) déclarait avoir connu une API (Alcoolisation Ponctuelle Importante) sur le dernier mois, qui consiste à boire au moins 5 verres d’alcool en une seule occasion. Du côté des collégiens, 16,4% des élèves de 3ème déclarait en 2021 avoir connu une ivresse alcoolique.
Pour Bernard Basset, « Ces visites, qui font partie intégrante des programmes de voyages scolaires, sont souvent le fruit d’un travail de lobbying intensif des alcooliers. Pour nous, il ne s’agit finalement que d’une nouvelle technique pour contourner la loi Evin et faire de la consommation d’alcool une norme sociale, et ce, dès le plus jeune âge ».
Il est donc nécessaire aujourd’hui que les pouvoirs publics agissent pour protéger nos jeunes générations de ces méthodes abusives.
Contacts presse :
Lisa Dubreuil – lisa.d@oxygen-rp.com – 06 65 95 96 25
Tatiana Graffeuil – tgraffeuil@oxygen-rp.com – 06 71 01 72 58
À propos :
Reconnue d’utilité publique et agréée d’éducation populaire, Association Addictions France (anciennement ANPAA) est un acteur majeur et historique de la santé publique fondé en 1872 par Louis Pasteur et Claude Bernard. Composée de professionnels du médico-psycho-social, de la prévention et du plaidoyer, l’association agit au plus près des populations et intervient sur toutes les addictions (tabac, alcool, cannabis, médicaments psychotropes, pratiques de jeux excessives, drogues illicites et autres addictions sans substance).
En plus d’informer, de sensibiliser et de faire de la prévention pour tous les publics, elle gère plusieurs dizaines de centres en addictologie en France métropolitaine et en Outre-mer, propose des formations auprès des professionnels, tout en veillant au respect et à la défense de la Loi Evin. Addictions France porte finalement un projet de société dans lequel la problématique des addictions n’est ni un tabou, ni une fatalité : ensemble, changeons le regard sur les addictions