Le confinement fragilise les personnes accueillies en centres d'hébergement
Dans les Hauts-de-France, les équipes de l'association restent très vigilantes
Depuis 2002, l’ANPAA à Lille dispose d’une équipe mobile « précarité » composée de deux infirmiers et d’un éducateur spécialisé. Pendant l’année, cette équipe sensibilise les équipes des structures d’hébergement à la thématique des addictions pour les aider à faire face aux situations rencontrées. Elle facilite également si besoin le lien entre les personnes hébergées et le dispositif de soins en addictologie et les accompagne tout au long de leur démarche.
Dès l’annonce du début du confinement, l’équipe a proposé son appui à l’ensemble des structures d’hébergement déjà accompagnées (centres d’hébergement et de réinsertion sociale, pensions de famille, foyers logements…) de la métropole lilloise. Elle a également été appelée en renfort pour des conseils sur la consommation d’alcool des résidents. Les personnes accueillies dans ces centres sont pour la plupart fragiles – sans domicile fixe avec des parcours de vie jalonnés de traumatismes psychiques et souffrant de comorbidités – et ont souvent des niveaux de consommation d’alcool, substance légale et facile d’accès, supérieurs à la population générale.
Si la consommation d’alcool est interdite dans la plupart des centres d’hébergement, certaines structures l’autorisent dans les espaces privatifs. Au regard des conséquences du confinement, quelques structures ont fait des stocks d’alcool pour éviter un sevrage brutal aux usagers – qui éprouvent des difficultés à s’approvisionner et/ou à financer leur consommation – et des risques pour leur cerveau et leurs fonctions vitales.
D’autres structures, qui interdisent la consommation en temps normal, ont fait appel à l’ANPAA pour obtenir un accompagnement sur une éventuelle autorisation car elles craignent des débordements. Les résidents ne peuvent plus consommer à l’extérieur de la structure avant d’y passer la nuit en raison du confinement et risquent d’être expulsés s’il y a des débordements liés à la consommation d’alcool. Une source de stress supplémentaire pour les usagers qui risquent de se retrouver à la rue en contexte d’épidémie et de saturation des centres d’hébergement.
« Alex C [le nom a été changé], hébergé dans une résidence sociale de Wattrelos, nous a appelés en urgence car il devait démarrer un sevrage juste avant le confinement mais son centre de cure a été réquisitionné pour la crise sanitaire. Il re-consommait de plus en plus et ne pouvait pas voir ses enfants confinés dans une autre ville. Il souffrait d’un trouble anxieux dépressif. Nous l’avons aidé à étaler ses consommations sur la journée afin de limiter les risques de surconsommation d’alcool et l’aidons à apaiser son angoisse en le recentrant sur la planification de sa journée. Depuis une semaine, il dit aller mieux et consommer moitié moins d’alcool » explique Simon Lavenne, éducateur spécialisé de l’ANPAA dans le Nord-Pas de Calais.
L’accompagnement de l’ANPAA consiste principalement à du soutien et de l’écoute des résidents à distance – pour ceux qui disposent d’un téléphone personnel ou d’un accès au téléphone fixe du centre d’hébergement – pour pallier la réduction des équipes accompagnatrices dans les structures. Mais une partie des usagers restent injoignables et il est difficile de savoir comment ils vont. L’association a également proposé son aide à un foyer de jeunes travailleurs pour leur donner la possibilité de parler de ce qu’ils vivent pendant le confinement au regard de leurs consommations.
« Les personnes accompagnées nous font part de leur isolement et de leur manque de contact avec leurs proches, du stress généré par le changement d’environnement et de référents accompagnateurs ou encore la peur des contrôles de police. Autant de problématiques qui peuvent fragiliser et isoler davantage les personnes dépendantes, d’où l’importance que l’ANPAA vienne en renfort des structures et soit plus souvent au bout du fil avec les résidents. Pour le moment, tout est globalement sous contrôle, mais nous redoutons l’annonce d’un premier patient Covid-19 dans l’un des centres accompagnés. Les personnels n’ont pas de masques ni de gants. Nous craignons pour leur santé et celle des résidents » explique Elisabeth Dooghe, directrice du CSAPA de Lille.