En Corse, les conditions de vie des consommateurs risquent de se dégrader
A l’heure du confinement, les difficultés d’approvisionnement en produits illicites, l’isolement et la réduction du nombre de consultations physiques de suivi médico-psycho-social font craindre une dégradation des conditions de vie des consommateurs de l’île.
S’approvisionner en produits illicites est particulièrement compliqué pour les usagers de l’île car une grande partie des produits sont importés par bateau et la plupart des liaisons sont pour le moment interrompues. La production de cannabis locale ne suffira pas à pallier les manques et les prix explosent. Les professionnels de l’ANPAA sont vigilants quant à la situation qui risque d’empirer avec la durée du confinement.
Cette population déjà fragilisée par les conduites addictives est particulièrement à risque en période de confinement en raison de la réduction des activités voire de la fermeture de centres d’accompagnement hors ANPAA, de l’inquiétude générée par les contrôles de police renforcés, des difficultés à trouver les produits consommés ou encore des risques liés au sevrage brutal même si aucun n’a pour l’instant été constaté sur l’île.
« Les problématiques varient beaucoup. Nous suivons par exemple un couple consommateurs qui divorce en période de confinement, un patient qui dans l’incapacité de trouver du cannabis s’est mis à boire de l’alcool pour compenser ou encore une consommatrice qui a triplé sa consommation de joints quotidienne en attendant que son stock soit épuisé » explique Lisandru Colombani, psychologue à l’ANPAA à Bastia.
En Corse, l’ANPAA gère depuis Ajaccio un CSAPA et un CAARUD, qui ont leurs antennes respectives à Bastia, et accompagne environ 800 usagers de drogues sur l’ensemble de l’île. Les structures d’Ajaccio et de Bastia sont quotidiennement en lien par visioconférence pour gérer au mieux la situation et accompagner les usagers malgré les mesures de confinement. Pour limiter au maximum les contacts physiques, les consultations sur site ont été remplacées par des entretiens téléphoniques avec les usagers et une plateforme de télémédecine est en cours de développement. Les centres restent ouverts pour assurer cet accueil téléphonique mais avec un effectif très réduit. Le CAARUD a également mis en place un système de « drive » qui permet aux usagers de faire leur demande de matériel de réduction des risques par téléphone et de passer le récupérer déjà prêt dans un sac.
L’épidémie a conduit les structures de l’ANPAA en Corse à réinventer leurs pratiques pour s’adapter aux besoins des usagers et des partenaires. Les prochaines semaines seront probablement plus critiques. Les usagers n’auront plus de stock et le peu de production accessible sur l’île sera hors de prix. « On sent que la pression monte et on ressent une grande solitude des personnes accompagnées au quotidien. Un usager du CAARUD nous a par exemple demandé s’il pouvait regarder la TV car il n’avait pas compris pourquoi il n’y avait personne dans les rues. Il n’était pas au courant des mesures de confinement car totalement coupé des médias » ajoute Lisandru Colombani.
Mais le confinement pourrait aussi être positif pour certains et permettre une introspection et une baisse des consommations. L’isolement du confinement peut aussi être vécu comme une protection face aux tentations.